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Parution Rapport final de la Mission Commune d'Information sur l'utilisation des produits phytosanitaires

Début février, Gérard Bacles (Président d’Atmo Nouvelle-Aquitaine), Patrice Colin (directeur de Lig'Air) et Marine Tondelier (déléguée générale d'ATMO France) s'étaient rendus à l'Assemblée Nationale pour une audition d'ATMO France dans le cadre de la Mission Commune d'information sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Cette Mission Commune d'Information avait été créée 26 octobre 2017 dans un contexte de controverses sur l'impact sanitaire et environnemental de ces produits, et associait des membres des Commissions des affaires économiques, du développement durable, des affaires sociales, des affaires culturelles.

Vous pouvez retrouver ici la vidéo de l'audition.

 

ATMO France et les AASQA dans le 

Rapport final de la Mission Commune d'information sur l'utilisation des produits phytosanitaires.

 

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Extraits de la partie constat sur « Une contamination environnementale générale encore peu prise en compte » et plus précisément la sous-partie consacrée à l’air (pages 28-29)

 

"Les études examinées par le rapport Pesticides précédemment évoqué ont montré la présence de pesticides, y compris des molécules interdites depuis plusieurs années, dans l’atmosphère aussi bien en milieu rural qu’urbain (avec cependant des niveaux enregistrés plus importants en milieu rural). De son côté, une étude d’AirParif a relevé des traces de plus de 80 pesticides dans l’air parisien. 

Ces constats sont confirmés par ATMO France, qui fédère les Associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA ) Tout en reconnaissant les limites de leurs suivis, une analyse rétrospective de leurs mesures de pesticides ces 15 dernières années lui a permis de tirer plusieurs enseignements :

 

  • D’abord, l’atmosphère pâtit d’une contamination chronique ;

 

  • Elle est plus aiguë en périodes d’épandage, mais l’on retrouve des pesticides en zones urbaines comme en zones rurales. Certains cocktails de produits sont parfois plus marqués en territoires urbains. Il n’en reste pas moins que les concentrations les plus élevées sont mesurées près des zones d’épandage, montrant clairement un lien avec ces activités. Au reste, les pesticides repérés sont déterminés par les cultures qui dominent le territoire ; des molécules sont même des « traceuses » de certaines cultures : comme le fongicide Folpel autour des vignes ou le chlorothalonil autour du blé ou de l’orge ;

 

  • La base de données d’ATMO montre notamment la présence constante, et générale sur les territoires faisant l’objet d’une surveillance, d’au moins une dizaine de molécules de pesticides.

 

  • On retrouve moins d’insecticides. Mais des traces de produits interdits depuis plusieurs années (comme le lindane prohibé en 1998) sont encore régulièrement présentes dans l’atmosphère de toutes les régions de France. Les carottages des sols révèlent aussi ce type de particules, que les labours contribuent à rejeter dans l’air. Le lindane présente ainsi un niveau de fonds, certes faible, mais permanent, y compris en ville ;

 

  • Ce qui manque encore, ce sont des données consolidées au niveau national qui permettent de calculer le niveau moyen d’exposition d’un Français aux pesticides. Le réseau ATMO ne dispose encore que de suites de données parcellaires ne reflétant que la situation dans ses territoires."

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Extraits de la partie propositions sur « Le renforcement de la recherche environnementale » et plus précisément la sous-partie intitulée consacrée à l’air «Une surveillance de l’air à compléter s’agissant des pesticides" (pages 51-52-53).

 

« ATMO-France, la fédération des AASQA, reconnaît que si ces associations de surveillance de l’air savent très bien, grâce à leurs modélisations, repérer les seuils d’alerte des polluants réglementés (oxyde d’azote, particules fines etc.), elles ne disposent pas de valeurs de référence pour les pesticides,  dont les usages ne sont pas réglementés pour préserver la qualité de l’air. En effet, la directive sur la qualité de l’air ne prévoit rien les concernant. Mais la France pourrait être à l’initiative d’une évolution. 

En dépit de cette carence, grâce à leur expérience, les AASQA pensent être capables de donner la mesure précise des concentrations de certaines des substances auxquelles les professionnels et les populations sont exposés. En revanche, l’absence de données consolidées au niveau national ne permet pas de calculer le niveau moyen d’exposition d’un Français aux pesticides. 

Dès 2014, l’ANSES a été saisie par les ministères chargés de la santé, de l’agriculture et de l’environnement pour conduire des travaux d’expertise collective visant à proposer des modalités pour une surveillance nationale des pesticides dans l’air ambiant. La première étape de son travail fut de repérer les substances qui peuvent être présentes selon les divers usages possibles (épandage ou autres) et de définir les protocoles de mesures. L’étape suivante fut de formuler des recommandations sur la surveillance des substances dans l’air tenant compte des activités dans la zone surveillée et donc de la probabilité de présence de tel ou tel produit, et priorisant les produits identifiés comme les plus nocifs. L’ANSES a ainsi publié fin octobre 2017 une liste de 90 molécules pesticides qui devront faire l’objet d’une surveillance nationale. Puis une convention et un accord-cadre ont été signés entre l’agence et ATMO-France 

Une campagne nationale exploratoire, lancée avec le Laboratoire national de la qualité de l’air et l’INERIS, dont les résultats sont attendus en 2018-2019, doit permettre de définir une méthodologie ainsi que les périodes et les durées de ces contrôles qui seront réalisés par les AASQA. Elle concernera également les territoires ultra-marins. Elle pourrait préfigurer une nouvelle stratégie de surveillance nationale. 

Dans ce dispositif, l’ANSES a prévu un volet s’attachant plus précisément à la santé des riverains. Une étude Rep’air menée par Lig’Air, la structure de surveillance du Centre-Val de Loire, s’était efforcée d’améliorer la connaissance des mécanismes de transfert dans l’air et les effets de l’exposition par voie d’inhalation. L’objectif serait de généraliser ces objets d’étude. 

Pour le moment, ATMO-France en est encore à rechercher des financements pour assurer une mesure continue et pérenne de l’atmosphère. Il faudrait entre 4 et 5 millions d’euros par an pour une surveillance nationale des pesticides. La fédération des A ASQA souhaiterait également établir des inventaires d’émissions afin de développer des modélisations qui leur permettent de faire de la prévision à un, deux ou trois jours selon les conditions météorologiques et les anticipations d’émissions. Elle compte enfin améliorer sa base de données pour pouvoir observer les expositions des populations et, peut- être un jour, déterminer un seuil de danger – qu’il reviendra aux autorités de fixer réglementairement.

 

Proposition : Mettre en place un dispositif national de surveillance des pesticides dans l’air et fixer un seuil de détection des produits phytopharmaceutiques. "

 

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Mesures limitées pour le glyphosate   

 

La mission note toutefois dans son rapport que "plusieurs études récentes montrent, sans doute possible, les dégâts occasionnés par une large utilisation des pesticides". Elle évoque la disparition d'une large part des insectes, oiseaux et autres pollinisateurs.  Elle insiste par conséquent sur "la nécessité de réduire drastiquement l'usage des pesticides pour tendre aussi rapidement que possible vers leur abandon".

Mais elle temporise aussitôt, écrivant que "le processus prendra du temps". Ainsi, sur l'exemple emblématique du glyphosate, herbicide controversé, les rapporteurs jugent "nécessaire d'accélérer les travaux de recherche et de développement pour trouver des alternatives crédibles", estimant implicitement qu'il n'y en a pas. Le rapport suggère "d'interdire, dans l'immédiat, l'utilisation du glyphosate dans sa fonction dessiccative au niveau national", soit l'usage sur les plantes pour les déshydrater et faciliter leur récolte. Mais, à en croire les producteurs de blé, cette utilisation n'a presque jamais cours sur les céréales de l'Hexagone et une telle interdiction serait donc sans effet.